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26/02/2011

S'engager pour la culture ?

En France, depuis quelques années, tout est devenu petit... notre pouvoir d'achat, la capacité à se loger en travaillant, nos salaires, le nombre de riches et qui le sont de plus en plus... notre politique étrangère... la morale de certains de nos dirigeants... le nombre de grands patrons qui se succèdent à la tête de notre économie... etc.

Même notre président est petit... même qu'il faisait beaucoup de bruit pour ne pas qu'on le perde... aujourd'hui qu'il parle moins, il commence à disparaitre...

brel-ferre-brassens_1.jpgSont petits aussi les lieux de musique et le nombre de ces lieux... la part qu'il reste dans la poche de ces organisateurs de culture locale... L'intérêt à développer ce soutien à la culture... le nombre de spectateurs qui se déplacent soutenir et participer à ces petits concerts... le nombre de poètes musiciens qui poursuivent la construction de la culture française...

Pourtant, c'est notre culture avec une richesse et une finesse d'expression hors du commun... C'est une culture que l'on aime avec les François Villon (oui, avec un V...), La Fontaine, José-Maria de Hérédia, Molière, Racine, Victor Hugo, Rimbaud, Verlaine, Brassens, Ferré, Brel, Ferrat, Gainsbourg, Boby Lapointe, Félix Leclerc... et le liste est tellement longue...

brassens-brel-ferre.jpgMais ont-ils beaucoup de successeurs ?... des poètes qui versifient vraiment, avec plus de trois cents mots, équilibrent le rythme et comptent leurs pieds ; ceux qui font d'une esthétique un sens... Peut être que voici là une petite liste aussi...

Alors peut être qu'être troubadour aujourd'hui, c'est s'engager dans ce monde restreint lui aussi pour témoigner du temps et conduire la pérennité de notre culture sans rien retirer aux autres, sans les mettre en comparaison, en concurrence, juste en maintenant le bouquet des cultures fleuri...

Bien amicales pensées bleues... blanches et rouges... vertes et jaunes...

Tyo

28/10/2009

Florilège de quelques critiques du CD "IMPARFAIT"

Bien qu'on ne puisse prétendre plaire à tout le monde et que chacun trouve dans chaque musique un écho de ce qu'il en attend, voici un florilège des nombreux retours sur l'opus...

"C'est beau !... C'est chouette, ca s'écoute comme quand on ouvre les volets le matin apres une grasse mat : avec tranquilitée" (LR)
"Certaines chansons m'ont touché, ce CD est super. J'attends le prochain. Un live ?..." (CLG)
"Bonjour Tyo, really like your music! Its the first time I've heard Blues sang in French! It sounds brilliant, and also your guitar playing." (JB)     "J’ai reçu ce petiImparfait - Tyo BAZZ 2009.jpgt bijou aujourd'hui même et depuis il tourne en boucle…" (LS)
"Nous avons dégusté ce CD, c'est genial = grand plaisir ..." (AM)
"Dans cet album, il transparaît un vrai don pour l'écriture... Petites tranches de vie, souvenirs... Le tout ciselé dans la langue de Molière, faut l'faire... Le son est très pro, les arrangements soignés et la pochette superbe... Que dire de plus ?" (PS)
"Imparfait, qu'il disait... En attendant d'entendre le bébé en live, je me repasse certains morceaux fréquemment, il y a un vrai travail d'écriture qui était déjà sous-jacent dans le blog. Bravo, bravo et encore bravo!!!" (PSCB)
"GÉ-NIAL" (TB)
"Ça fait 9 jours que la galette tourne en boucle chez moi et elle est même pas abimée... (ni mes oreilles d'ailleurs). Vous l'aurez compris, la musique, le chant, le son, les compos, la jaquette, tout est bon !!! Sauf peut être le titre... PLUS-QUE-PARFAIT aurait mieux collé à cet album s'il n'était pas question du monde dans lequel nous vivons. Change le monde si tu peux, mais toi, Tyo Bazz, ne change pas..." (LS)
"Hello man, bien reçu la galette. Je reconnais bien ton atmosphère que je situe quelque part entre JJ Cale et l'Afrique, dans ta façon mélodiquement "incorrigible" de jouer de la guitare. C'est super... Tu as un son bien particulier, bien à toi. Bravo cher camarade. A bientôt de croiser nos manches, yeah !!!" (DB)
"Bonnes chansons, très beaux textes, compositions chaleureuses, de la bonne chanson française. Merite d'être mieux connu. A diffuser." (TB)
"Ce n'est plus vraiement du blues roots. C'est autre chose... Un bon son, de bon textes et de bonnes chansons. Bravo." (MC)
"On entend parfois de l'émotion dans la voix... Ce sont bien des histroires vraies..." (CS)

 

Sans oublier le sublime : "Ouah!!! suis scotchée là... + que mal, c'est toi qui chantes ??????" (CC)

A venir deux critiques officielles dans deux magasines spécialisés...

Un grand merci à vous tous, connus, amis, ou inconnus, amateurs et professionnels qui m'avez accordé votre avis...

J'ai laissé les mots tels quels, alors leurs auteurs se reconnaitrons certainement...

Pensées bleues,

Tyo

05/08/2008

Pensées bleues...

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Voici quelques phrases entendues ça et là. Bout à bout elles font un joli poème illustrant ce que j'aime de la pratique de la musique :

"A chaque instant, votre œuvre est achevée. Au premier geste, posez l'essenciel."
"L’important est le chemin. Nous croyons poursuivre un but mais le but est le chemin."
"Dans le chemin il y a tous les possibles et le but, lui, est fini."
"Le chemin fini, le but n’est plus rien et le manque commence."
"L’instant, voilà le but !
"

Voilà et bon blues…

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Ha, et puis, j'oubliais... : "Une oeuvre qui touche au coeur bouge le monde davantage qu'aucun discours"

16/01/2008

Le Trac et le Farfadet...

Hier soir comme bien des soirs, je m’endormais avec une question qui m’occupe et l’habitude que le petit matin m’apportera quelques réflexions mûries. La question du soir était « Comment dépasser ce trac qui me fait perdre mes moyens et fauter à tour de bras… de doigts ? ».
bb56356d7afc8b9a75ff4f730421cca6.jpgCe matin, j’ouvrais un œil et devant mes yeux ébahis se trouvait un joli farfadet à longues oreilles, assis sur mon oreiller. Le petit être tout vêtu de vert me regardait d’un air bienveillant et sévère à la fois. Les mains jointes entre ses genoux croisés, il se penche vers moi et me glisse en croisant bien mon regard :

- Tu te souviens de l’histoire de Sarah Bernard et de son élève ?…
- Oui, lui dis-je…
- La gamine demandait à la grande dame si elle avait le trac…
- Oui, je me souviens…
- …et elle lui répondit que oui, à chaque fois qu’elle entrait en scène, non ?
- Oui, c’est ça…
- Et l’élève lui avouait qu’elle-même ne connaissait pas le trac, qu’elle n’y était pas sujette.
- Oui ?…
- Et Sarah Bernard lui répondit : « Ne vous en faites pas, ça viendra avec le talent ! », tu te souviens ?

Il parlait doucement de sa voix lente sans lâcher mon regard, comme plongé dans mes yeux.

- Oui mais où veux-tu en venir ? lui rétorquais-je.
- Et bien toi, c’est bien le trac qui te bloque… et tu cherches à t’en débarrasser…
- Et alors ?
- Le trac, c’est un paquet d’émotion à l’état brut. Ton blues sans émotion ne vaut plus rien. Et toi, comment comptes-tu appeler l’émotion quand tu joues ? …en lui téléphonant ? Non, tu l’as déjà là et tu la refuses… Accueille là, ambrasse là, épouse là et laisse toi porter par ce bon trac !

D’évidence le bougre avait raison et sa solution me sautait à la figure. Seulement un doute me prit : qu’en savait-il lui de ça ? Quel vécu pouvait-il en avoir ?
A peine y pensais-je qu’il me dit :
- Tu sais, moi, ça me fait la même chose quand je dois faire un Shlombuck…
- Un quoi ? C’est quoi un shommachin ?
- C’est quand je réveille quelqu’un en l’éveillant… Faut pas que je me plante…
- Tu ne serais pas un peu boudhis… ?
Je n’avais pas fini ma phrase qu’il disparaissait en sautant par la fenêtre fermée…

24/12/2007

Dialogue avec Thierry.

f88a7353d8e7b46c16f6b36a15b51c09.jpgCet indéffectible ami, Thierry GROUSSIN, à l'âme aussi profonde que son esprit est aiguisé (pardon, mon Thierry, pour égratigner ton éternelle modestie...), me posait la question de savoir ce que représentait le blues dans ma vie alors que nos relations ne tournent pas habituellement autour de ça.
Il m'a recueillis quelques propos qu'il a publié sur son blog, on ne peut plus interressant du reste...
En voici le tracé...

« UN MONDE COMME JE ME LE RACONTE... »
Pourquoi, Jean-Marc, le blues a-t-il pris une telle place dans ta vie ?

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Les débuts, ou : comment l’esprit vient aux jeunes gens...

C’est une longue histoire et sinueuse… J’ai d’abord été séduit par le chant partagé. Mes frères et soeurs et moi chantions en famille, souvent en nous promenant et toujours à plusieurs voix. On improvisait… Et ce depuis les prières chrétiennes rituelles jusqu’aux divertissements les plus libertins. Puis, je me suis passionné pour les auteurs-compositeurs-interprètes - Hugues Aufray, Adamo, Bob Dylan… - et tout de suite, dès l’age de 14 ans, je me suis mis à écrire mes premières chansons - tout à fait dylanesques. Depuis l’age de 12 ans j’écrivais avec délectation, d’abord des petites nouvelles puis des poèmes. Et puis, j’étais de cette génération qui écoutait les Rolling Stones et toute la culture Rock (le blues boom anglais) et chantait Brassens que nous connaissions par coeur. C’est ça le fondement de ma culture.

De fil en aiguille, je me suis mis à la guitare très tôt (14 ans) puis à la basse (16 ans) puis au saxophone (20 ans) et, après avoir touché à la peinture, à la sculpture et au théâtre, je suis arrivé à Paris pour monter une troupe de théâtre avec un partenaire montalbanais. La troupe fit un flop et je restais sur place comme musicien de cabaret, notamment dans un groupe de blues. Dès lors, j’ai croisé la route de nombreux musiciens tous aussi passionnants et surprenants les uns que les autres. Je traînais dans les milieux du jazz et de l’afro jazz. Le premier milieu m’apporta d’étudier l’harmonie. Le deuxième m’influença définitivement : les rythmes 12/8, les cadences syncopées, l’improvisation spontanée, l’expression absolue et la fonction sociale de la musique… Le film de Scorcese Du Mali au Mississippi montre les liens essentiels qu’il y a entre cette musique et le blues.

Certaines choses se passent dans leur temps à elles

abd8cfb951b77c11a5216c6cb32739a6.jpgPuis, j’ai monté une bonne dizaine de groupes de rock, aventures disparates et pour certaines hasardeuses, et relativement insatisfaisantes dans des relations humaines faites de rivalités et de concurrences. Ca ne m’allait pas. Je regrettais ce qui m’avait porté dans l’afro jazz. J’ai alors arrêté la musique - pendant vingt ans ! Je me suis jeté dans les sports de combat (boxe française savate) puis j’ai développé le moteur profond de tout cela : la curiosité passionnelle pour l’humain. Riche d’une psychanalyse, j’ai décidé de reprendre les études et j’ai fait l’EHESS puis la Sorbonne en Sociologie compréhensive. Ce n’est qu’après que Delenco, un ami montalbanais, m’a sollicité, un soir de janvier 2001, pour reprendre la musique. J’ai sauté sur l’occasion ! L’idée me titillait depuis quelques mois… Comme quoi, certaines choses se passent dans leur temps à elles… Cet ami est un musicien Hobo, un disciple de Woody Guthry, le père spirituel de Bob Dylan. Il est ce qu’on appelle un « One Man Band », un homme-orchestre. Il a une approche musicale particulière : il travaille sur des cadences rythmiques atypique qu’il nomme des « compas » (musique alternant des séries de temps forts et de temps faibles sur un nombre aléatoire : 3, 5, 7, 9, 10, 11 ou 13 temps… qu’importe). Il prend pour modèle des musiques andalouses, japonaises, irlandaises, etc… Mais refuse de faire ce que tout le monde fait « assez mal » pense-t-il : le blues. C’est pour lui une musique idiote, « une marche de canards » où s’expriment les « montreurs d’ours », les musiciens qui veulent démontrer leur virtuosité avant leur âme.

Je n’avais pas cette vision là, bien au contraire. Après un parcours passionnant, nous nous sommes naturellement séparés et je suis revenu à ce qui me paraissait l’essentiel : le blues, une parmi les musiques fondamentales, du moins celle qui a influencé toute la musique occidentale actuelle, depuis le jazz, le Rythm & Blues jusqu’à la variété et même le rap. Il s’agit pour moi à ce moment-là de revenir à l’essentiel de ce qui me porte, au « sacré », soit au fondement.

Une passion en trois dimensions

Aujourd’hui je parle de blues et l’article de mon blog sur la culture blues dit bien mon positionnement. Il s’agit d’une musique créatrice, sociale et thérapeutique. Elle est pour moi sur ces trois niveaux.

Le premier est celui de l’expression. Le blues est comme une prière, un rituel, une pratique qui nécessite une libération par le travail préalable. Il ne faut pas que mon ignorance (ou du moins celle de mes doigts) empêche le fond de la bête de s’exprimer. Il faut pouvoir tendre vers une sorte d’éternuement de l’âme. Une spontanéité quasi sauvage qui traverse la technique acquise pour venir vibrer comme une résonance de l’âme. C’est la dimension de l’art communément partagée. Aussi, je me lève tous les matins assez tôt pour pouvoir jouer au moins une heure avant d’aller bosser. Je travaille des enchaînements, tout ce qui me passe par la tête, tout ce que j’ai envie d’entendre, de jouer. Jo Maka, un saxophoniste d’afrojazz aujourd’hui décédé, me disait : « Joue ce que tu veux jouer, pas ce que tu crois devoir jouer. Joue ce que tu as envie de t’entendre ».

ea753ac1826f27b1e89c22845399fbb1.jpgLa deuxième dimension est celle du lien social. Où que tu ailles dans le monde, si tu ne parles pas la langue, chante, joue de la musique et bingo ! le courant passe : il se passe quelque chose. On rit, on est là ensemble à partager un je ne sais quoi… Aux quatre coins de la
planète, de même que le chamanisme est la religion - la mystique - la plus répandue, la pentatonique est le mode musical le plus répandu, le plus partagé. Elle a partout la même structure et possède les mêmes principes harmoniques. Bizarre, non ? Donc chaque fois que je le peux, je vais à droite à gauche, jouer avec des musiciens ou des non musiciens. Je vais participer à des scènes ouvertes, « taper le boeuf » comme on aime à dire. C’est pour ces partages-là que j’avais créé le Crossroad, club de blues à Issy-les-Moulineaux. Je rêve de parcourir le monde avec ma gratte et de jouer avec toute âme qui vive. J’aurais été heureux de jouer un jour avec un personnage comme Ali Farka Touré (musicien malien aujourd’hui décédé. Son fils, Vieux Farka Touré, continue son oeuvre). Quelle dimension, ce type…

La troisième dimension est celle de la thérapie ou du développement personnel. Quand Castaneda, cet étudiant californien en ethnologie, demande à Don Juan, sorcier Yaki « Parle- moi du peyotl », celui-ci lui répond : « Je ne peux pas t’en parler. Le peyotl est une voie vers la sagesse. Il y en a plein. Il y a la musique, la danse… Moi je connais celle-là. Je ne peux pas t’en parler mais je peux t’initier ». Je ressens la même chose pour le blues. (Je commence à envisager de faire, autour du blues, de l’arthérapie dans des pratiques de développement personnel.)

Une pratique de l’ici et du maintenant

e2fdf1c0590b9865ba5c9627ecc8a324.jpgLe blues a ceci de particulier qu’il est la musique d’un peuple sans histoire, sans passé, d’un peuple du coup hors du temps, projeté dans un présent absolu et total et que les conditions matérielles privent d’un futur. Cette musique ne transporte rien : pas de tradition, pas d’identité diachronique, pas de mythe. (Elle s’inventera celui de la rencontre du diable au Crossroad). Elle est une pratique de l’ici et du maintenant… Que peut-elle faire alors ? Ce qu’en disent les bluesmen : soigner leur âme. Elle n’a donc plus qu’à être un exercice cathartique. Ici, en France, on a tendance à regarder le blues avec nos lunettes de l’histoire et du classement. Alors il y a toujours quelqu’un pour te dire que ta pentatonique n’est pas jouée réglementairement ni fidèlement à la tradition blues… C’est bien là un regard franchouillard ! Il n’y a pas de tradition dans le blues ! Le blues dans sa courte histoire n’a pas cessé de changer, de bouger, tant dans sa forme que dans ses caractéristiques, dans sa structure que dans son tempo… Alors, on a le swamp blues, le boogie, le boogie woogie, le blues piémont, le Rythme & Blues, le blues du delta, le Chicago blues, le blues californien, le Texas blues, le Memphis blues, le ragtime, le shuffle, et j’en oublie… Il y aura toujours quelqu’un en France pour t’expliquer ce qu’est « réellement le blues ». Mais je me souviens de Hubert Sumlin, le guitariste compagnon de route d’Howlin’ Woolf, qui disait : « Tu as le blues rapide, tu as le blues lent, le swamp, le boogie… tout ça ce n’est que du blues. » Le mot d’ailleurs tardera à naître. Il arrivera bien après la musique. On parlera d’abord de « race music » ou de « jails songs » ou « work songs ».

L’idée dans cette troisième dimension n’est donc pas de faire le montreur d’ours, de faire démonstration de technique (bien que des jazzmen l’aient fait, comme Charlie Parker, à de simples fins de compétitions ludiques) mais bien de laisser parler son coeur pour qu’il aille mieux. Un jour la fille de John Lee Hoocker, Zakiya Hooker, lui demandait : « Daddy, pourquoi tu mets des lunettes de soleil quand tu joues ? ». Il lui répondit - c’est du moins ce qu’elle rapporte: « Je n’aimerais pas que les gens me voient pleurer… ». Le blues est à ce point - parce que pratique de l’immédiat, parce qu’il n’a rien d’autre à faire, une célébration cathartique - qu’il m’apparaît comme emblématique de cette fonction-là de la musique. Alors, même si mon blues est entaché de Brassens, Ferré et autre Barbara, il est bien du blues… Donc je raconte des histoires qui m’ont touché : la mort de mon frère en deltaplane, les morts de copains et copines de cancers, des échecs professionnels, des histoires dures de personnes croisées, des situations cocasses, des aventures scabreuses, etc…

Alors pourquoi le blues à pris tant de place dans ma vie, et bien voilà, pour toutes ces raisons.

Choisir un « song », c’est en citer mille

S’il fallait que je fasse un choix ?... J’aurais du mal… J’ai quelques chansons fétiches comme « Further on up the road » ou le « Crossroad » et le « Sweet Home Chicago » de Robert Johnson. Ce sont des standards que tout le monde reprend à l’occasion.

abb2a56140b6fc5da242a42d7debc042.jpgJe ne saurai pas parler pour tout le monde… J’aime beaucoup les blues en huit mesures comme « It Hurt Me Too » de Tempa Red ou le « Come on in my kitchen » du même Robert Johnson. J’adore ces morceaux. Ils ont une capacité assez impressionnante à m’émouvoir… Mais en fait, ce qu’il faudrait retenir de cette culture du blues, c’est que les chansons ne sont que des prétextes et les jouer sont l’événement, ce qui compte. Alors on a mille et une versions de chaque standard, des sensationnelles pleines d’émotion comme les « Love in vain » (encore une chanson de Robert Johnson) de Peter Green, savoureuse et simplissime, ou celle de Keb’ Mo’ avec un rythme assez roots, dur et syncopé. On peu aussi tomber sur des versions peu audibles comme celle du « Crossroad » par un groupe de hard rock dont je tairai le nom et qui reprend en précipitée l’interprétation de Clapton… là c’est dur…

Ce n’est pas une chanson qui peu émouvoir bluesement parlant, mais un moment magique où quelques musicos se laissent traverser par un morceau … Il y a d’ailleurs cette interprétation par Buddy Guy (et aussi par Stevie Ray Vaughan) d’une comptine pour enfant, pas du tout blues pour deux rond : « Mary had a little lamb ».

Merci Thierry de m’avoir donné l’occasion de partager ce monde « comment je me le raconte »…

28/05/2006

...et c'est quoi, ton blues, Tyo Bazz ?

Et bien donc, le voilà...
Ce sont là quelques modestes échantillons enregistrés le samedi 29 avril à la maison avec la DAT de la toujours excellente Stéphanie qui a tout callé, réglé (et j'en profite pour apprendre)...

Alors donc :

podcast
Crossroad

podcast
Ma petite femme fixe

Tout ceci bien évidemment est repris, traduit, passé au moule du nouveau duo Tyo Bazz & Doteur Mike...
Au programme, il y a actuellement 12 reprises et 24 tyobazzeries...
On va y aller doucement...

06/03/2006

L'esprit du Blues selon Tyo Bazz

medium_JohnnyShinePortret.jpgOn trouve dans la petite histoire des bluesmen une collection d’événements qui me semblent illustrer précisément ce qu’est l’esprit du blues. La première petite histoire qui me vient à l’esprit est celle-ci qui se passe à la fin des années quatre-vingt dans un petit studio d’enregistrement du Middle West. Peter Guralnick et Scott Billington, producteurs d’enregistrements, sont sur les dents. De l’autre coté de la vitre, Johnny Shines, le compagnon de route de Robert Johnson, et Robert Lockwood Jr., d’Helena en Arkansas et gendre du même Robert J., sont en train d’enregistrer quelques morceaux en prise directe, comme les bluesmen ont l’habitude de le faire.
medium_Robert_20Lockwood_20Jr.jpgDu coté de la technique, ça va pas fort. Cet enfoiré d’ingénieur du son vient d’effacer une bonne partie du premier morceau, tout le début en fait… Plus que gêné, Peter va voir les bluesmen et leur annonce la catastrophe : « on a perdu le début du premier morceaux… ». « Et alors ? demande Johnny Shine, la fin ne te convient pas ? »… silence lourd pour Peter. Robert semble s’en foutre, plus préoccupé à retendre ses cordes tout en frottant sa barbe blanche. « On n’a plus le début. Il faudrait réenregistrer ce morceaux…» propose Peter. « Bon, si tu y tiens vraiment, reprend doucement Johnny Shine, OK !… Heu ! Tu peux me chanter comment ça faisait ?…. »

Quand je suis arrivé à Paris en 1975, je jouais du blues au saxophone dans quelques cabarets de la rive gauche et autres bouges. A cause de quelques réelles amitiés personnelles, je traînais dans le milieux des musicien d’afro-jazz, du moins appelait-on ce style comme ça à l’époque. En fait c’était là le mot pompeux et racoleur pour dire qu’ils jouaient vachement bien leur musique populaire traditionnelle. Je m’était alors donné comme « professeur » l’adorable Joseph Maka, dit « Jo », guinéen de son état et aujourd’hui décédé d’un long et douloureux crabe. Je l’entend encore me dire « Si on fait des gammes dans tous les sens et à tire larigot, c’est pour que ce qui passe par la tête sorte directement par le bout des doigts… » Paradoxalement, il ajoutait : « Joues ce que tu veux jouer ! C’est ça, travailler. »

medium_Delenco.jpgUn jour, Delenco, suave batteur montalbanais et chanteur-guitariste hobo avec qui je partageais un bout de chemin, me rapportait que Karl Perkins affirmait dans un interview à Rolling Stone n’avoir jamais étudié et d’avoir passé son temps à jouer ses chansons. Délenko en a fait sa philosophie. Plus récemment, Angelo Debarre affirmais dans une autre entrevue être son seul et de plus très mauvais élève : « Je joue. Je ne travaille jamais. »

medium_Tony_Ballester.jpgIl y a une trentaine d’années, quand je me suis mis à tâter de la basse, j’avais très temporairement choisi comme professeur l’excellent bassiste, ami et aussi montalbanais Tony Ballester pour qui le jazz et son harmonie n’a plus de secret. Il me redisait récemment « Quand tu travailles, tout seul chez toi dans ton coin, tu t’intéresses à ce que tu fais : quelles sont les notes, dans quelle tonalité, dans quel mode, quel type d’accord, etc… et tu recommence mille fois pour l’avoir en réflexe. Mais quand tu joues, tu joues. Tu oublies la théorie. Tu oublies même que tu joues. Tu es là dans ce qui se passe, un point c’est tout ! »

medium_Tusques.jpgJ’ai longtemps joué avec les musicos d’afro-jazz. Cette musique va de Fela Ramson Kuti à Ali Farka Touré en passant par Marc Bonan et l’on sait le lien direct et essentiel qu’elle a avec le blues. Je rencontrais là dans les sphères d’Edja Kungali d’Adolphe Winkler et l’International Free Danse Music Orchestra de François Tusque, des gens qui étaient d’abord des grios, des conteurs, ou des chefs charismatiques.
Après ils étaient comme un chacun, traversés par la musique. Elle semble donc être autant un acte social qu’un champ d’humanité. Quand je voulais travailler avec eux, on jouait. Quand on voulait répéter un morceau, l’un le jouait et tout le monde jouait avec lui. Quand je demandais « Montres-moi ! », ils jouaient. Si je demandais un conseil, ils me répondaient : « Joues ! » et on jouait ensemble. Pour eux, travailler, c’était jouer.

medium_Alan_Silva.jpgA cette époque, je me suis retrouvé de passage à l’école d’Alan Sylva , dans le Marais. Il distribuait les rôles à chacun des musiciens-élèves avec des images. Il me dit, en me voyant avec ma basse électrique, une vielle demie caisse à la forme d’une 335, « Tu es un bugle, OK ? Tu joues comme un bugle. » et c’était là toute la consigne. On faisait avec cette image.

…………….
Ce que je crois avoir compris de ces histoires et de ces rencontres, c’est que pour chacun de ces acteurs de la musique, elle vient de l’intérieur comme dit la chanson. Tu te laisses traverser. Dans son fabuleux DVD « Sessions for Robert J. » Eric Clapton se déclare n’être qu’un passeur de la musique. Pour lui tout musicien n’est qu’un passeur, un transmetteur qui est traversé par la musique. Je me sens bien à cette place.
Il m’a semblé comprendre que, pour tous ces gens-là, la musique est un moment, pas un morceau. Celui-ci n’est qu’un prétexte. L’important c’est ce qui se passe là quand elle se joue… et parfois, elle se joue de toi, elle t’échappe et tu rentres à la maison faire le Robert J. au crossroad : tu bûche, tu te réconcilie avec ton instrument.
Il me semble avoir compris qu’il y a une différence profonde entre la variété, aussi belle et noble soit-elle, et le blues. C’est la même différence qu’il y a entre les Beatles et les Rolling Stones. En variété, on écrit un morceaux. Dans le Blues, on le joue. Pour l’une, c’est le morceaux qui compte et on le reproduit le plus fidèlement possible en concert car le concert consiste à rendre la création donnée dans l’enregistrement. Pour le second, c’est l’événement qui est premier, ce qui se produit à l’occasion du morceaux dans un lieu quidam avec des gens de ce moment là.

medium_David_Johnson.jpg L’intéressant peut être alors d’avoir un enregistrement de ce moment là. Voilà pourquoi Robert Johnson enregistre plusieurs versions de ces quelques morceaux et que par exemple nous avons autant de versions de « Love in vain » que nous avons d’interprètes, que nous avons autant de version du « Sweet home chicago » que nous avons d’événement où des musicos traversés de musique se sont rencontrés dessus.
Les morceaux ne sont tellement que des prétextes qu’ils sont communément devenues aussi des noms de bluesmen. Mac Kinley Morganfield prend le nom de Muddy Water qui est une chanson enregistrée par Papa Freddie Spruel en 1926. Chester Arthur Bunett prend celui d’Howlin’ Wolf, chanson qu’enregistre Funny Paper Smith en 1930. Rolling Stone est une chanson enregistrée par Robert Wilkins en 1928. Sugar Blues est crée par Sara Martin en 1922. Tommy Johnson enregistre Canned Heat blues en 1928 et Double Trouble n’est pas que le nom du duo de copains qui accompagnait Stevie Ray Vaughan.

Je suis bien entendu de l’école du blues pour lequel je vibre profondément. Chaque fois que je rencontre l’intention de figer un morceau, de lui donner une forme définitive, j’ai l’impression qu’on l’empêche de vivre, qu’on empêche la musique de couler, que l’on tue l’événement, celui-ci et ceux à venir.
Alors bien venue dans le blues et les musiques racines.
Pensées bleues !